9 février 2009

intentions du projet

Nous avons travaillé dans la continuité d'une bande dessinée de François Schuiten, Les murailles de Samaris , dans laquelle un individu se trouve dans une ville qu'il trouve étrange, et qui se révèle être un décor de théâtre gigantesque qui se monte au fil de ses déplacements. Dans cette optique, nous avons travaillé sur un parcours sans fin, où des modules de décor répétitifs formeraient un monde clos, se construisant autour de la marche d'un individu.
Nous souhaitions que la prise de conscience de la réalité de ce système ne se fasse que dans un deuxième temps, dans une seconde animation révélant l'envers du décor. La présence de bruitages machiniques produit un sentiment d'inquiétante étrangeté dans le parcours et annonce la révélation du mécanisme.
La façade continue est constituée de modules identiques, sans profondeurs ni reliefs, qui évoquent à la fois le fond de scène d'un théâtre vieillissant, les décors en carton pâte d'un film ou une reconstitution d'une architecture historiciste. Ce système auto-centré, vu de l'intérieur, fait l'effet d'un trompe l'œil, interrogeant sur le sens de la ville. La ville existe-elle par les parcours qu'elle propose? Par la vie qu'elle inspire? Par la profondeur de son bâti? Nous avons eu l'occasion de chercher des exemples de villes décors, que l'on retrouve souvent dans les régimes fascistes ou monarchiques - reconstruction de Berlin par Speer ou vrai fausse reconstitution de Versailles encore aujourd'hui. C'est pourquoi nous avons voulu donner aux façades une apparence mélangeant des références tirées de toutes les époques, mais pourtant présentes dans l'inconscient collectif, donc atemproelles comme notre vitre a-topique.
Dans l'univers des Villes invisibles de l'écrivain Italo Calvino, cette ville objet sans échelle ni contexte n'existe que par son parcours. La deuxième vidéo, montrant l'envers du décor, fait directement référence à un mécanisme d'horlogerie. Une ville système, sans échelle, pouvant tenir aussi bien dans le creux de la main que dans un système solaire. La présence de projecteurs donne à cette scène l'ambiance d'un plateau de cinéma, où rien n'est naturel, où tout est sous contrôle.
La ville peut-elle être assimilée à un mécanisme clos et indépendant? Doit-elle laisser place à l'imprévisible? Dans quelle mesure est-elle sous la domination des apparences , des exigences esthétiques d'une majorité? Et, au-delà de ces questions, notre réflexion pose aussi la question du rapport de l'individu au monde. Est-ce que, comme l'écrit Liebnitz, le monde se construit autour de l'homme, et chaque homme est isolé dans sa propre monade sans jamais pouvoir en sortir, ou bien peut-il au contraire en sortir, prendre de la distance, se placer par rapport et en rapport avec lui, et l'appréhender dans sa réalité et non plus dans son apparence?
Face à ces questions, nous ne voulons pas proposer de réponses mais simplement poser un regard décalé dans l'esprit d'un conte animé, dont le second degré peut laisser place à la profondeur des questions soulevées.

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